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Franz LISZT
Concerto pour piano et orchestre No 2 en la majeur, S 125
Aldo CICCOLINI, piano
Orchestre de la Suisse Romande
Ferenc FRICSAY
8 février 1956, Victoria Hall, Genève

Franz Liszt composa une première version de ce concerto entre 1839 et 1840. Il le laissa ensuite de côté pendant une dizaine d'année avant de le reviser plusieurs fois, jusqu'à sa publication en 1861. L'oeuvre fut donnée en première audition le 7 janvier 1857 à Weimar sous la direction du compositeur, avec un de ses élèves - Hans Bronsart von Schellendorff - en soliste. Moins connu que le concerto No 1, ce second concerto est un peu inhabituel: il comporte certes six mouvements, mais ceux-ci sont joués enchaînés, du début à la fin de l'oeuvre.

Elle porta pendant un certain temps le titre de „Concerto symphonique“ et la version finale démontre à quel point Franz Liszt s’éloigna du style du concerto virtuose initial. "[...] Le caractère spectaculaire est amoindri et le piano joue avec l’orchestre plutôt qu’en opposition. Même la tonalité de l’oeuvre peut être considérée comme un symbole de l’évolution du compositeur puisque la majeur se situe à un intervalle de triton du mi bémol majeur du premier concerto.

L’Adagio sostenuto assai qui ouvre l’oeuvre témoigne d’un changement de direction: l’orchestre joue le premier thème avant que le piano ne l’élabore sans même l’exposer directement. L’orchestration poursuit dans la veine chambriste du premier concerto: cordes avec sourdines, passages développés au piano accompagné seulement par le cor, le hautbois et le violoncelle.

Un second thème emporté et «diabolique» au rythme double-pointé en ré mineur est développé avant de passer sans transition au troisième thème allegro en si bémol mineur. Les trois thèmes apparaissent seuls ou combinés avec des changements de tonalité et de métrique un peu partout à travers le reste du concerto.

Comme s’il reprenait la technique de son premier Concerto en mi bémol, le premier thème lyrique est transformé dans un final qui adopte la forme d’une marche. Cette structure est celle qui, de toutes les oeuvres concertantes de Liszt, s’approche le plus de la structure cyclique de sa Sonate pour piano en si mineur, une pièce d’un seul tenant mais en plusieurs parties et dans laquelle les quatre thèmes sont transformés.
[...]" cité des notes de Michael Emmans DEAN publiées en 2015 dans le livret du CD BIS-2100 SACD

L'interprétation qui en est proposée ici... Nous retrouvons Aldo CICCOLINI dans ses jeunes années accompagné par l'Orchestre de la Suisse Romande placé sous la direction de Ferenc FRICSAY: 8 février 1956, Victoria Hall de Genève, 9e concert de l'abonnement, retransmis en direct sur l'émetteur de Sottens, à l'époque en ondes moyennes - une splendide perle des archives de la Radio Television Suisse.

Ferenc FRICSAY et ce concert - tel que présentés par William RIME dans la revue Radio Je vois tout du 2 février 1956 en page 37:

"[...] Pour son neuvième concert d'abo­nne­ment, l'Orchestre de la Suisse Romande a fait appel au chef hongrois Ferenc Fricsay. Né en 1914, il fit la plus grande partie de ses études à l'Ecole supérieure de musique de Budapest, à une époque où l'enseignement de Zoltan Kodaly et de Béla Bartòk avait placé les élèves dans une ambiance exceptionnelle. Chacun des deux maîtres avaient entrepris de créer un style hongrois dont les éléments empruntés au fond paysan de leur patrie, échappaient au vocabulaire plus ou moins frelaté de la musique tzigane. Ferenc Fricsay bénéficia donc d'un climat particulièrement favorable à un musicien amoureux de son art. En 1945, il monte au pupitre de l'Opéra de Budapest, mais c'est plutôt sa participation au Festival de Salzbourg, en 1947, qui lui valut d'attirer l'atten­tion des grandes associations sympho­ni­ques. Plusieurs concerts en Allemagne l'ont fait adopter comme un chef digne des meilleurs de notre époque. Ferenc Fricsay est aujourd'hui à la tête de l'Orchestre symphonique de la R.I.A.S., à Berlin. Appelé à diriger des enregistrements destinés au commerce, ses réussites lui ont acquis la considération des milieux musicaux du monde entier.

Le fait que Ferenc Fricsay ait inscrit une oeuvre de Bartòk à son programme n'a donc rien de surprenant; son choix s'est toutefois porté sur une page qu'il connaît dans ses moindres détails et à laquelle il impose un rythme, une atmosphère qui traduisent à la perfection les intentions folkloriques du compositeur. Le «Divertimento pour Cordes» de Béla Bartòk est, en effet, un ouvrage d'une saveur exquise; toute en contrastes, con­tras­tes thématiques comme aussi sur le plan du jeu des nuances, l'oeuvre ne peut manquer de plaire aux oreilles les moins préparées. Habilement traités, les mélodies, les contre-chants font le charme du premier mouvement. Tout autre est l'atmosphère du second qui évoque les plaines hongroises et leurs mornes étendues. Le troisième mouvement, animé par les rythmes de danses fait songer au cha­toiement des costumes aux vivantes couleurs. Le Divertimento de Béla Bartòk, qui met les cordes à rude épreuve, réjouira les auditeurs les plus réservés.

Des rythmes de Bartòk, nous remonterons au romantisme avec le deuxième concerto pour piano de Liszt qu'interprétera le brillant et sensible virtuose Aldo Ciccolini. Ce concerto, dont certains thèmes sont traités d'une façon héroïque, d'autres avec un lyrisme d'une rare sensibilité, telle la phrase célèbre où chante le violoncelle solo, est suffisamment connu pour que l'on puisse se dispenser d'en faire une analyse.

En seconde partie du concert, la Symphonie N° 1, de Brahms, page grandiose par la solennité de son premier mouvement, l'émotion profonde que font naître les sonneries de cor et le fameux choral de son adagio, la richesse orchestrale de sa conclusion, nous réserveront sans aucun doute une fin de concert dont on se souviendra.
[...]"


Cité du compte-rendu de Franz WALTER publié le lendemain du concert dans le journal de Genève en page 8:

"[...] Après l'agréable et presque fortuite découverte du talent d'un Argenta, il y a deux ans, voici que le concert d'hier soir nous offre brusquement une nouvelle révélation. Le nom de M. Ferenc Fricsay ne nous était pourtant pas inconnu, le disque et la radio l'ayant déjà largement répandu. D'autre part, le chef hongrois est venu conduire à Genève, il y a quelques années, une représentation de Fidelio qui avait laissé une bonne impression, il est vrai, mais pas de celles qui marquent profondément une saison; pas de celles surtout qui pouvaient laisser prévoir l'espèce de sensation qu'aura soulevée le passage de ce chef au pupitre de ce concert de l'abonnement. Sensation déjà provoquée auprès des musiciens de l'orchestre dès leur premier contact avec sa baguette, qu'ils avaient reconnue instantanément comme celle d'un maître. Il n'était pas difficile non plus à l'auditeur quelque peu averti de déceler dès les premières mesures le geste du chef-né, de celui qui d'une seule inflexion impose, sans explication, sa volonté, de celui surtout qui vit sa musique, qui respire avec elle. On retrouve d'ailleurs à travers le modelé subtil et caractéristique de la main gauche de M. Fricsay, ce fluide particulier qu'avait en partage un Furtwängler - tout en arrêtant là la comparaison qu'on peut faire entre ces deux artistes de natures très différentes. Par ailleurs certaines de ses attitudes - lorsque, les jambes disjointes, il semble arc-bouté comme pour embrasser la sonorité des deux bras - rappelleraient plutôt un Karajan (dont il diffère également autant qu'une forte personnalité peut différer d'une autre).

Chez Ferenc Fricsay, cette manière de respirer dont j’ai parlé, cet art de la respiration musicale est peut-être ce qui m’a le plus frappé; tout particulièrement en comparant les trois oeuvres du programme - le Divertimento, pour orchestre à cordes, de Béla Bartòk, le Concerto en la de Liszt et la 1ère Symphonie de Brahms - auxquelles il restitua leur pulsation propre avec un sens étonnant de chaque climat particulier.

S'il fallait toutefois donner une préférence aux interprétations de M. Fricsay, je marquerai mon étonnement admiratif pour la manière dont il nous a révélé la partition de Béla Bartòk, dont il rendit la prodigieuse effervescence avec un naturel extraordinaire, conférant à cette oeuvre d'écriture complexe une limpidité de cristal. Est-ce à cette interprétation seule que je dois ma surprise de ne pas avoir vu figurer cette oeuvre plus souvent dans nos concerts, - elle figurait pour la première fois à l'abonnement - tant elle m’est apparue comme l'une des mieux réussies de son auteur, des plus abordables, des plus séduisantes même.

Rappelons qu'elle fut écrite en Suisse, à Saanen, dans le chalet de Paul Sacher et à l’intention de ce dernier et de son orchestre bâlois, peu avant le départ pour l'Amérique de Bartòk. Et ses deux allegros sont emplis d’une verve, d'un esprit - parfois même d’un humour - inégalables, alors que son mouvement médian est peut-être la plus émouvante née de la plume de Bartòk.

L'art qu'y témoigna M. Fricsay de dégager d'un geste - avec quelle sûreté de main - les lignes principales, de les coordonner, d’assurer aux rythmes les plus mobiles le caractère de la plus évidente spontanéité, et enfin de conférer à certains épisodes, piquants ou expressifs, ce caractère de discrétion qui en fait toute la saveur, cet art exceptionnel, je ne sais pas s'il fut bien saisi de la majorité des auditeurs.

Du moins la symphonie de Brahms put-elle valoir au chef un triomphe final amplement exercer son pouvoir direct sur l’auditoire et mérité. M. Fricsay, en effet, après en avoir modelé les plus subtiles inflexions, dégagé aussi bien l'intime poésie, que l'exaltation passionnelle était des climats sonores d'une rare qualité - tantôt brûlants, tantôt enveloppants - enleva le finale dans une progression étourdissante, atteignant réellement au paroxysme du bouillonnement.

Mais je n'ai pas moins admiré le soin que mit M. Fricsay à conférer au concerto de Liszt son véritable caractère d’oeuvre symphonique, parant la partie orchestrale d’une couleur et d'un mordant tels que des solistes ont rarement l'occasion de bénéficier.

Aubaine particulière pour un virtuose comme M. Aldo Ciccolini qui, dans un aussi royal écrin, put faire valoir à son aise ses magnifiques qualités pianistiques: une souplesse technique inouïe, lui permettant les sonorités les plus riches, de la fluide légèreté à un «forte» robuste et plein que ne dépare aucune dureté lui permettant aussi de tenir aisément les tempi les plus affolants (mais ces tempi ajoutent-ils vraiment quelque chose de positif à l'oeuvre?). De plus, M. Ciccolini phrase avec sensibilité et avec goût. Bref, son jeu est aussi brillant que propre et probe. Que manque-t-il exactement pour que son interprétation du concerto de Liszt vous empoigne? Peu de chose, en somme: une certaine grandeur dans le panache, une respiration - j'y reviens - à la fois plus large et plus libre. Mais, répétons-le, c'est un admirable pianiste.

Pour terminer, il serait injuste de ne pas relever la magnifique prestation de tout l'orchestre devant cet animateur qui sut tirer de chaque musicien, le meilleur de lui-même et son don manifestement total. Un compliment spécial aux chefs de pupitre de l'orchestre à cordes de Bartòk: MM. Schwalbé, Laumet, Golan, Loewenguth et Fryba.

Bref un concert à marquer d'une pierre blanche.
[...]".

Franz Liszt, Concerto pour piano et orchestre No 2 en la majeur, S 125, Aldo Ciccolini, piano, Orchestre de la Suisse Romande, Ferenc Fricsay, 8 février 1956, Victoria Hall, Genève

     1. Adagio sostenuto assai, 2. Allegro agitato assai,
     3. Allegro moderato, 4. Allegro deciso, 5. Marziale un poco
     meno allegro, 6. Allegro animato                              18:49

Provenance: Radiodiffusion

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